[S17] Genghis Kaboom, ou le sixième chapitre du coach Saerzin

Seul dans son bureau, les deux pieds posés sur le lourd meuble en chêne, le coach Saerzin s’astiquait.

Il s’astiquait avec passion, mais avec des gestes doux et fermes, car il savait qu’aller trop fort pouvait faire mal. Prenant le temps d’astiquer chaque renflement, chaque recoin, en faisant attention que son outil soit bien lubrifié. Concentré sur sa tâche, sourd à ce qui l’entourait, il bondit dans son siège lorsque l’un de ses joueurs ouvrit la porte brusquement.

-COACH !

*Les ogres parlent tellement fort qu’on dirait qu’ils crient tout le temps. Par conséquent, tous les ogres s’exprimeront en majuscule. Si cela vous déplaît, vous pouvez aller leur dire en face.

-AAAAAAH ! BORDEL ! Tucky, je t’ai déjà demandé de frapper ! Regarde, à cause de toi j’en ai mis partout sur le bureau ! Merde, j’espère que j’ai assez de sopalin…raaah, ça colle un peu aux doigts quand même…

-COACH, CA Y EST, ON A NOTRE PREMIER MATCH !

-Quoi ? mais c’est génial !

Saerzin finit d’éponger son sous-main et rangea la bouteille de polish et le chiffon. Il alla reposer précautionneusement le buste qu’il avait dans les mains, et qui le représentait tenant une coupe ornée de la mention « Coupe du Chaos, 2025 ».

-C’est sympa cette idée de représenter le gagnant avec des attributs du chaos. Ils ont bien réussi les cornes dit donc ! En revanche je ne comprends pas le tentacule au milieu de mon visage…

-C’EST VOTRE NEZ COACH.

-Ah ? Et les mains démesurées sur le côté de la tête c’est original !

-C’EST VOS OREILLES COACH.

-Tu crois ? En tout cas ça me ressemble grave. Alors, qui est ce qu’on affronte ?

-MONSIEUR L’ARBRE, COACH ! ON L’AVAIT AFFRONTE EN DEMI-FINALE !

-Ah oui, le match ou le Patron s’était dédoublé pour jouer de chaque côté…C’était rude.

-IL EST PARTI LE PATRON, COACH…

-je sais mon petit Tucky, je sais. Mais il m’a confié les rênes, et je compte bien ne pas le décevoir ! Le Grand Morg m’a eu à la bonne sur cette coupe, hors de question de se faire rétamer comme d’habitude !

C’était quand même drôle, la vie de coach. Il y a encore quelques mois, alors qu’il passait son temps à recoudre ses goules chéries entre chaque match dans une vieille grange abandonnée, Saerzin avait eu un match sur Pineder. S’en était suivi un date romantique avec une très charmante ogresse qui non seulement avait eu la courtoisie de ne pas le manger après le restaurant, mais en plus était la cousine par alliance du plus grand joueur de blood bowl de tous les temps ! Quand elle lui avait dit que Morg avait monté une équipe d’ogres pour la Chaos Cup et qu’il cherchait un coach fantoche car « administrativement il ne peut pas être coach – donc staff – et joueur », Saerzin avait réussi à la convaincre de le présenter.

Cette aventure avait marqué le coach, qui avait pour la première fois goûté au succès. Et quel succès ! Aucune défaite, leader au classement avant les demi-finales, Bashlord…et Champion. Ah ça avait moins rigolé, les écailleux et les résineux !
Saerzin avait écouté les conseils du joueur le plus redouté de l’histoire de ce sport, qui lui avait donné le secret : La Violence. La pure, simple, sans détour, violence.

Et ça avait marché ! Appliquant à la lettre les consignes, le coach avait bien compris qu’à part Morg, le reste de l’équipe était bien trop…limitée…pour retenir des schémas tactiques ou des plans de jeux de plus de 4 étapes.

La coupe gagnée, Morg avait dû répondre à d’autres sponsors, et avait vendu l’équipe à Saerzin, qui avait dépensé tout ce qu’il avait gagné pour avoir sa nouvelle franchise.

Le secret pour manager des Ogres, Saerzin avait compris, c’est de leur fournir assez de bouffe pour qu’ils aient le ventre plein, et assez de gnoblars (quoi c’est aussi des joueurs ? Noooon, c’est plus comme des ballons ou des shorts ; nécessaires, mais pas vraiment importants) pour qu’ils aient de quoi s’amuser – et des snacks s’il n’y avait plus assez de bouffe. Les séances de préparation d’avant match étaient surtout d’énormes buffets pour les Ogres pendant que Saerzin leur hurlait le plan de jeu qui tenait en 3 mots : Niquez leurs morts.

-On a pas encore l’effectif au complet, le contrat du capitaine est encore en cours de négociations, mais on va faire avec. Tucky, assure toi que vous ne mangiez pas tous les gnoblars – on doit être 11 au minimum – et passe la consigne aux autres ! Ce soir, on nique le chaos !

-LE PATRON SERA LA ?

-Hélas non, mais ne t’inquiète pas ; j’ai appelé un ami…

Saerzin se tourna vers son énorme étagère à trophées - qui n’en contenait qu’un - et marmonna dans sa barbe.

-On va niquer leurs morts.

two men standing next to each other with the words la violence n'est pas une solution written on the bottom

7 « J'aime »

Tu lui a pas tant niqué ses morts mais c’est pas pire !

1 « J'aime »

« Docteur, je vous en prie ! Sauvez le ! »
A l’écran, un médecin orc à la blouse couverte de fluides corporels gueulait sur des infermières elfes qu’il lui fallait plus de poches de sang.
« Je suis désolé, mais cet homme est plus mort qu’un zombi non régénéré ! La science ne peut plus rien pour lui ! »
Les énormes branches du coach @Mr.Tree frémissaient de désespoir à l’écran, et la sève coulait à flot des yeux de l’arbre.
« J’ai besoin de lui ! Sans lui, ma saison est foutue ! Faites quelque chose ! »
L’orc était visiblement en plein conflit intérieur. Mais les suppliques du coach semblaient résonner en lui, car il se redressa l’air décidé.
« Avant de finir l’école de médecine, j’ai dût faire un stage chez les nécromanciens pour une spécialité Os brisés. Ils avaient un sort de la dernière chance, mais je ne vous promet rien. Reculez ! »
Des volutes noires se mirent à sortir de ses mains tandis que le médecin psalmodiait au dessus du corps bien écrabouillé du comte Belphégor. Itsnotafuckinglupus!
Belphégor tressailli violemment, avant d’ouvrir les yeux. « J’ai vu une grande lumière…et ma grand-mère qui me faisait un doigt d’honneur… »
Une branche lui fouetta soudain le visage.
« Retourne mettre tes putains de crampons et échauffe toi ! Le match est pas fini! »

-Zappe moi cette merde !

Saerzin ronchonnait tout en continuant à remuer une énorme louche dans une toute aussi énorme marmite. Le petit gnoblar geignard près de l’écran appuya sur un bouton, et une autre émission apparue.

Deux elfes et une amazone échangeaient en visionnant des vidéos de sauts et d’acrobaties de joueurs.
« personnellement je ne lui mettrais pas plus de 6/10. » « 6? vous êtes un peu dur ! Regardez comme il a parfaitement exécuté la vrille avant d’attraper ses chevilles et de mettre ses deux genoux en avant ! On doit reconnaître que le geste était parfait ! Non, moi je dirais 8/10 ! » « Ah s’il avait correctement atterri sur un joueur adverse je lui aurait donné plus, et même 10 s’il avait couché l’homme bête de @Mr.Tree , mais même si la position était bonne, il s’est écrasé au milieu de la cage sans coucher personne ! » « Le coach Saerzin aurait peut-être dut tenter de blitzer pour libérer le lanceur, sans cet élu au contact, le lancer aurait été parfait et le lanceur touché avant de mettre un touchdown…Mais on ne peut pas en vouloir au gnoblar ! »

-Et le risque de turn over? zappe je te dit !

Le coach ogre s’énervait en remuant sa tambouille.

Deux cultistes discutaient autour d’une table de conférence.
« …eulement 4 coachs adorateurs cette année dans l’ouest, c’est une bien maigre saison, qu’en pensez-vous Le Dévisseur? »
« Tout à fait Thierry-Tranchetout, cette année la BN n’a pas voulu honorer les vrais dieux ! Notons tout de même l’hommage vibrant de @Mr.Tree qui a bien envoyé son respect au grand Khorne, en lui envoyant pas moins de 2 triples crânes lors de son dernier match. »
« Un bien bel hommage effectivement, mais qu’il ai fait soigner son élu inquiète sur sa vraie foi: le dieu du sang ne s’embête pas de savoir à qui appartient les morts qu’on lui envoie ! »

-Zappe bordel !

Les deux elfes et l’amazone réapparurent sur l’écran. (il faut dire qu’il n’y avait pas beaucoup de chaînes sur Cabalvision)

« Quel dommage tout de même, regardez comment Khan Gourou réussi à se dégager des hommes bêtes en gardant le ballon ! C’était une grande action, et s’il n’avait pas glissé comme une grosse vache, il aurait marqué le touchdown de la victoire à n’en pas douter ! » « Ah, le coach Saerzin doit s’en mordre les doigts et… »

La louche traversa la pièce pour éclater l’écran, projetant de la soupe et des éclats de verre partout.

-Il aurait blitzé derrière ! Fichus commentateurs qui n’y connaissent rien…

Saerzin trempa le doigt dans la marmite pour gouter. Il manquait quelque chose, peut-être un peu plus de viande…

-Hey, viens voir par là un instant veux-tu? Ramène moi ma louche. Tiens, penche toi et regarde si tu vois les légumes. Oui? ne bouge pas…

CLANG

-Et bah voila, elle est prête ma soupe à l’ail…Hey, les gars ! Venez manger, vous m’en direz des nouvelles ! J’ai aussi du pain à l’ail et des croutons !

Les ogres vinrent s’installer pour dévorer la tablée de victuailles.

-Et je ne veux plus voir une seule gousse sur la table ! On va montrer à ces suceurs de sang anémiques comme on aime la bonne cuisine…

2 « J'aime »

Un bien beau zapping ma foi! :clap:

1 « J'aime »

« Coach ! Coach ! Faut se réveiller maintenant ! »
Saerzin ouvrit un œil fatigué. "Gné? Je me lèv…" SMACK

Le gnoblar chargé des chaussons du coach décrivit plus tard à ses camarades la figure effectuée par Saerzin comme « la plus belle vrille aérienne qu’il ai jamais vue, avec une grâce jusque dans les doigts élancés délicatement afin d’évoquer l’envol majestueux d’un cygne, ou le temps suspendu ne reprit son cours que lorsque le coach s’éclata la gueule dans l’armoire assez fort pour casser une porte et perdre une dent. »

« MAIS PUTAING KHAN OHE ESPECHE D’ABRUTI CHA VA PAS ! »
« Rooh, Coach vous exagérez c’est qu’une petite tape sur la joue… »

Saerzin se remit maladroitement sur ses pieds. « On est quel jour merde? »
« C’est la 4e journée, coach. » « Quoi? Mais on doit pas jouer les vampires? »
L’ogre haussa les épaules. « Ca c’était la 2e journée, patron. Vous vous êtes évanoui quand vous avez essayé d’agresser le coach Tyra après le match et qu’il vous a fait ses yeux bizarres… »

La mémoire revint. La colère de se prendre une fessée monumentale, la peine de subir sa première défaite avec ses braves petits gars, les insultes à Nuffle devant les résultats médiocres des dés, cette envie de planter un pieu dans le coach adverse, et le mal de bide après avoir bu autant de soupe à l’ail…

« J’suis resté dans les vapes pendant combien de temps? Et comment vous avez fait pour la 3e journée? »

Le capitaine ogre Khan Ohé se gratta le menton. « On a fait tout comme vous nous avez appris: on a dépensé tout l’argent pour engager le meilleur joueur, et on a fait tout comme il a dit. M. Oberwald était très content de nous. Il nous a même laissé une partie de l’or gagné. »

Saerzin n’en revenait pas. « Vous avez embauché Griff Oberwald? Tous seuls? Et il était content de vous? »
« Oh oui, on a tout bien tapé les adversaires et on lui a tout bien laissé la balle ! Et on a bien empoisonné les boissons de leur équipe pour qu’ils jouent mal ! Tout comme vous nous avez appris, et on a gagné 5 sorties à 1, mais ça compte pas, c’était un Gnoblar… »

Le coach des Genghis Kaboom n’en revenait pas. Après leur première défaite, ses petits gars s’étaient débrouillé tous seuls et avaient gagné leur premier match cette saison ! Des larmes de fierté perlèrent à ses yeux, mélangées aux larmes de douleur de la baffe du réveil.

« Je suis tellement fier de vous, mes petits ! Mais pourquoi vous m’avez réveillé seulement maintenant? »
« On joue dans 3 heures, coach. Contre des humains je crois. »
« 3 HEURES ? OH MERDE ! » Saerzin ouvrit en grand le coffre de la trésorerie du club. Vide.
« Et on a plus une thune ! OH MERDE ! TOUS DANS LE BUS, PAS LE TEMPS ! GO GO GO! »

C’est donc dans la précipitation la plus totale, sans aucune préparation, que les Genghis Kaboom prirent la route pour affronter les Flashin Urchins du coach Pizz, et ses petits gars des rues. Allaient-ils l’emporter? Que pourraient-ils faire contre les 5 blocages en face? Contre la rapidité et l’habile jeu de passes?

Spoiler : taper comme des sourds, et espérer que ça marche, bien sûr !

2 « J'aime »