Seul dans son bureau, les deux pieds posés sur le lourd meuble en chêne, le coach Saerzin s’astiquait.
Il s’astiquait avec passion, mais avec des gestes doux et fermes, car il savait qu’aller trop fort pouvait faire mal. Prenant le temps d’astiquer chaque renflement, chaque recoin, en faisant attention que son outil soit bien lubrifié. Concentré sur sa tâche, sourd à ce qui l’entourait, il bondit dans son siège lorsque l’un de ses joueurs ouvrit la porte brusquement.
-COACH !
*Les ogres parlent tellement fort qu’on dirait qu’ils crient tout le temps. Par conséquent, tous les ogres s’exprimeront en majuscule. Si cela vous déplaît, vous pouvez aller leur dire en face.
-AAAAAAH ! BORDEL ! Tucky, je t’ai déjà demandé de frapper ! Regarde, à cause de toi j’en ai mis partout sur le bureau ! Merde, j’espère que j’ai assez de sopalin…raaah, ça colle un peu aux doigts quand même…
-COACH, CA Y EST, ON A NOTRE PREMIER MATCH !
-Quoi ? mais c’est génial !
Saerzin finit d’éponger son sous-main et rangea la bouteille de polish et le chiffon. Il alla reposer précautionneusement le buste qu’il avait dans les mains, et qui le représentait tenant une coupe ornée de la mention « Coupe du Chaos, 2025 ».
-C’est sympa cette idée de représenter le gagnant avec des attributs du chaos. Ils ont bien réussi les cornes dit donc ! En revanche je ne comprends pas le tentacule au milieu de mon visage…
-C’EST VOTRE NEZ COACH.
-Ah ? Et les mains démesurées sur le côté de la tête c’est original !
-C’EST VOS OREILLES COACH.
-Tu crois ? En tout cas ça me ressemble grave. Alors, qui est ce qu’on affronte ?
-MONSIEUR L’ARBRE, COACH ! ON L’AVAIT AFFRONTE EN DEMI-FINALE !
-Ah oui, le match ou le Patron s’était dédoublé pour jouer de chaque côté…C’était rude.
-IL EST PARTI LE PATRON, COACH…
-je sais mon petit Tucky, je sais. Mais il m’a confié les rênes, et je compte bien ne pas le décevoir ! Le Grand Morg m’a eu à la bonne sur cette coupe, hors de question de se faire rétamer comme d’habitude !
C’était quand même drôle, la vie de coach. Il y a encore quelques mois, alors qu’il passait son temps à recoudre ses goules chéries entre chaque match dans une vieille grange abandonnée, Saerzin avait eu un match sur Pineder. S’en était suivi un date romantique avec une très charmante ogresse qui non seulement avait eu la courtoisie de ne pas le manger après le restaurant, mais en plus était la cousine par alliance du plus grand joueur de blood bowl de tous les temps ! Quand elle lui avait dit que Morg avait monté une équipe d’ogres pour la Chaos Cup et qu’il cherchait un coach fantoche car « administrativement il ne peut pas être coach – donc staff – et joueur », Saerzin avait réussi à la convaincre de le présenter.
Cette aventure avait marqué le coach, qui avait pour la première fois goûté au succès. Et quel succès ! Aucune défaite, leader au classement avant les demi-finales, Bashlord…et Champion. Ah ça avait moins rigolé, les écailleux et les résineux !
Saerzin avait écouté les conseils du joueur le plus redouté de l’histoire de ce sport, qui lui avait donné le secret : La Violence. La pure, simple, sans détour, violence.
Et ça avait marché ! Appliquant à la lettre les consignes, le coach avait bien compris qu’à part Morg, le reste de l’équipe était bien trop…limitée…pour retenir des schémas tactiques ou des plans de jeux de plus de 4 étapes.
La coupe gagnée, Morg avait dû répondre à d’autres sponsors, et avait vendu l’équipe à Saerzin, qui avait dépensé tout ce qu’il avait gagné pour avoir sa nouvelle franchise.
Le secret pour manager des Ogres, Saerzin avait compris, c’est de leur fournir assez de bouffe pour qu’ils aient le ventre plein, et assez de gnoblars (quoi c’est aussi des joueurs ? Noooon, c’est plus comme des ballons ou des shorts ; nécessaires, mais pas vraiment importants) pour qu’ils aient de quoi s’amuser – et des snacks s’il n’y avait plus assez de bouffe. Les séances de préparation d’avant match étaient surtout d’énormes buffets pour les Ogres pendant que Saerzin leur hurlait le plan de jeu qui tenait en 3 mots : Niquez leurs morts.
-On a pas encore l’effectif au complet, le contrat du capitaine est encore en cours de négociations, mais on va faire avec. Tucky, assure toi que vous ne mangiez pas tous les gnoblars – on doit être 11 au minimum – et passe la consigne aux autres ! Ce soir, on nique le chaos !
-LE PATRON SERA LA ?
-Hélas non, mais ne t’inquiète pas ; j’ai appelé un ami…
Saerzin se tourna vers son énorme étagère à trophées - qui n’en contenait qu’un - et marmonna dans sa barbe.
-On va niquer leurs morts.
