« CHUUUUT ! »
Déambulant entre les rayonnages, la bibliothécaire Yannis calmait les visiteurs les plus bruyants d’un regard sévère ou d’une remarque affutée. Il était pour elle hors de question que l’atmosphère studieuse et silencieuse de sa précieuse bibliothèque soit perturbée. Séparant d’un seul plissement de lèvres deux tourtereaux qui se bécotaient derrière les ouvrages de botanique, elle se dirigea vers les salles de lectures privées ou les clients pouvaient demander à consulter les ouvrages non accessibles à tout un chacun. Cela faisait deux heures que Sire Reginaldo consultait les ouvrages de magie nécessaires pour préparer ses cours à l’académie, et Yannis espérait lui proposer une pause autour d’un thé.
La bibliothécaire rougit devant sa propre audace, mais Sire Reginaldo lui faisait un tel effet, avec sa magnifique moustache blonde soigneusement brossée en guidon. Les visites fréquentes du professeur de magie étaient ses moments préférés, lui qui arrivait toujours avec quelques pâtisseries ou fleurs pour elle. Il était si charmant, et jamais avare d’une remarque attentionnée !
Quand il lui avait confié sa détresse aujourd’hui, pleurant que son chien avait mangé ses précieux ouvrages, elle n’avait pas hésitée à lui venir en aide et lui avait apporté tous les ouvrages d’apprentissage de la magie réservés aux mages qu’elle avait pu trouvé.
Elle toqua doucement à la porte, « Sir Reginaldo ? J’ai une bouilloire sur le feu, que diriez vous de partager une tasse ? » Seul un courant d’air froid sous la porte et le silence lui répondirent, et lorsqu’elle ouvrit timidement la porte, elle lâcha ses livres devant la scène.
Ses livres, ses précieux livres, ses enfants, étaient empilés n’importe comment sur des chaises posées à leur tour sur la table, jusqu’aux vitraux situés à 3 mètres et désormais ouverts en grand, laissant entrer la pluie et le vent dans la salle privée. D’un seul coup d’oeil que les années d’expérience avaient affûtés, Yannis su immédiatement qu’il manquait un ouvrage. Elle chercha frénétiquement la liste des ouvrages qu’elle avait prêté ce matin, et la réponse lui revint alors qu’elle aperçue posés par terre le si beau chapeau conique de Sire Reginaldo avec MAJE brodé en lettres d’or, ainsi qu’une postiche de moustache blonde en guidon.
« La nécromancie pour les nuls ».
…
« Dit, Igor*, t’aurais pas vu ma pelle? » Le fossoyeur retournait la cabane dans tous les sens. « C’est dingue, j’étais sûr de l’avoir laissé là hier soir. » Son collègue Igor* haussa les épaules en machant son petit déjeuner. « Non Igor*, désolé…t’as pensé à regarder derrière le gros mausolée? »
Les cris de leur collègue Igor* interrompirent leur recherche. « QUEL PUSTULE DE SKAVEN ! QUEL FIENTE DE GOBELIN ! JOURNEE DE MERDE ! »
Rejoignant au petit trot leur collègue Igor*, les trois fossoyeurs ne purent que constater le massacre. La vieille fosse commune était toute défoncée, des morceaux de corps jetés ici et là et de la terre pelletée salopant toutes les tombes alentour. « Au moins, on a retrouvé ta pelle Igor*… »
*il est bien indiqué dans le contrat de tout bon fossoyeur qui se respecte qu’il doit changer son nom en Igor s’il souhaite rejoindre la grande famille des fossoyeurs, et s’il pouvait boîter un peu et être bossu, c’était encore mieux.
…
Dans une vieille grange abandonnée au toit défoncé d’où pointait d’étranges bricolages métalliques, une lueur verdâtre et pas franchement signe de bonne santé suintait à travers les planches depuis les glyphes magiques tracés au sol avec du sang de poulet.
Les paysans du coin se demandaient ce qui pouvait bien se passer lorsque l’orage faisait rage et que les éclairs frappaient la vieille bâtisse, car on entendait alors un rire de dément sortir des murs…
« MOUAHAHAHAH ! ILS VIVENT ! ILS VIVENT ! ILS VERRONT, ILS VERRONT TOUS ! C’EST MON ANNEE ! »